CPF, Qualiopi, IA : pourquoi la co-construction devient incontournable en formation pro
- Sébastien GENTY

- il y a 3 jours
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📌 Édito
Rechercher du solide dans le grand vent des annonces réglementaires, c'est un sport national chez les acteurs de la formation – et voilà qu’un nouveau décret vient rebattre les cartes du CPF. Depuis décembre, la hiérarchisation des sources de financement impose désormais, avant tout, de consommer généreusement les dotations employeur ou collectives, puis ses propres droits, et, à la fin, les abondements multiples. Pour beaucoup, c’est une bascule discrète mais lourde d’implications : la stratégie du salarié qui « garde son CPF pour soi » prend un sérieux coup dans l’aile, le DRH gagne quant à lui des outils de pilotage inédits. Ce glissement technique, certains l’ont vécu comme une simple ligne dans le Code du travail ; sur le terrain, il transforme le rapport de force sur la construction des parcours. La co-construction devient la règle du jeu, les marges de manœuvre individuelles se resserrent quand les contraintes collectives s’affirment. Dans ce contexte, la moindre dotation ciblée – sur l’IA, la transition écologique, ou une compétence rare – oriente le flux des mobilités internes et rebondit jusque dans les politiques de recrutement. On s’approche dangereusement d’une formation pro sous pilotage « mixte », mi-individu, mi-employeur, où la négociation s’installe partout. Bref, co-construire ou périr : voilà la vraie météo de la rentrée dans les salles de formation.
Ce qu’il faut retenir
Le CPF change de braquet : désormais, impossible de « griller » d'abord ses crédits perso en mode solo, priorité aux dotations employeur et co-financements collectifs avant de piocher dans sa tirelire. Ce virage discret annoncé par le décret du 3 décembre chamboule la gestion des parcours ; adieu le CPF « plan B » stratège, place à la négociation autour du plan de développement – les employeurs disposent dès à présent d’un levier inédit pour orchestrer les montées en compétences (et retrouver, un peu, la main sur la dépense). Pédagogiquement, une ère de co-construction s’ouvre : diplôme d’ingénierie financière requis pour ne pas se perdre entre dotation, participation, dates d’expiration et, tiens, récupération des fonds inutilisés.
Sur le front Qualiopi, la pression monte : audits renforcés, indicateurs qualité sortis du tiroir à poussière, et menace désormais explicite d’une certification propre des auditeurs. En coulisses, la règle du jeu se durcit également pour la sous-traitance et les formations à distance : assistance pédagogique réelle obligatoire, adieu aux pseudo-modèles « auto-apprenants » qui clonent un module interactif pour tous. Les OF qui ne pourront pas tracer — ni prouver — leur accompagnement vont devoir revoir leur copie, voire leur business model !
Derrière la comédie réglementaire, la vraie révolution s'affirme côté pratiques : le blended learning gagne ses galons, le learning by doing revient en force (ça n’a jamais aussi bien marché que lorsqu’on sort du PowerPoint), l’IA se glisse partout – mais sans remplacer ni la posture d’accompagnement, ni la nécessité de scénarios bien ficelés. Le paradoxe : on investit des milliards (56,6 Mds € en 2024), pourtant 1 actif sur 2 estime avoir manqué d’appui pour évoluer, et seuls 10% des inscrits à France Travail accèdent à une formation certifiante dans l’année. Il est temps de repenser le parcours apprenant — du sur-mesure, du feedback, de l’ancrage, du sens… et moins « d’usines à cases ».
Climax de la période : vague de sur-administration redoutée par les acteurs, budgets à l’os pour les CFA/OF, métiers en tension dans tous les sens. Mais des pistes pleines d’avenir émergent, aussi : reconnaissance de la neurodiversité, nouvelles pratiques pour mutualiser la veille et revitaliser les collectifs de formateurs, et montée fulgurante de la pédagogie narrative pour (re)donner du sens et embarquer (enfin) tout le monde dans l’aventure. Co-construire, partager, diversifier : la rentrée s’annonce musclée — mais tout sauf monotone.
Ce que cela implique pour un organisme de formation
La rentrée s’annonce comme un crash-test grandeur nature : adieu l’OF « électron libre », l’ère est au pilotage partagé et à la transparence – les nouvelles règles du CPF imposent une co-construction inévitable des parcours, là où tant de salariés misaient sur un CPF solo, gardé au chaud. Un réflexe d’écureuil devenu obsolète : priorité aux dotations ciblées, usage minuté, dates d’expiration, et récupération possible des fonds inexploitables – bienvenue à la négociation permanente avec l’employeur, les RH, le collectif. Pour l’OF, cela veut dire : plus de gestion de la demande individuelle « au fil de l’eau », mais du design sur-mesure au service des stratégies d’équipes. Les responsables formation et RH, nouvellement dotés de pouvoirs de fléchage budgétaire (via les abondements employeurs, dotations inclusives, CGU V14…), imposent leurs thèmes phares – IA, transition écologique, métiers rares – aiguillant ainsi le flux de stagiaires et le contenu des parcours. Dans cette logique, ceux qui capitalisent sur la veille partagée (merci newsletters, outils de curation et animation de collectifs) prennent une longueur d’avance. Mais gare à l’usine à cases : Qualiopi n’est plus un rituel bureaucratique, mais un levier pour mettre en évidence la réalité, l’individualisation et l’accompagnement pédagogique – fini le modèle « auto-apprenant » cloné à la chaîne. Les audits (surtout à distance) ne pardonnent plus ni la bidouille ni les preuves absentes. Bref, OF, CFA ou micro, l’heure n’est plus à l’attentisme : co-créez, mutualisez la veille, outillez vos formateurs… et préparez-vous à « pitcher » auprès des RH aussi bien qu’en salle. L’impact sur la gouvernance et l’offre n’a rien de cosmétique — la survie se jouera sur la capacité à fédérer, prouver, s’adapter vite… et rendre la formation irrésistiblement concrète et engageante.
Priorité donnée au collectif et à la négociation sur les parcours individuels : impossible désormais d’ignorer les arbitrages RH/management.
Veille stratégique, pédagogie narrative, feedback sur-mesure et mutualisation deviennent des incontournables – à la fois pour performer à l’audit et garder l’engagement apprenant.
Digitalisation et IA : oui, mais jamais sans accompagnement humain, scénarisation propre et traçabilité. L’OF efficace sera celui qui prouve sa valeur ajoutée partout, y compris sur la personnalisation réelle et la preuve d’impact.
Le « shadow learning » (hors des radars internes) gagne du terrain : l’OF doit se positionner comme hub d’expériences, d’intelligence collective et de validation des apprentissages, sous peine d’être court-circuité par la formation hors les murs.
Conseils & astuces
Co-construisez vos parcours avec les RH : dès qu’un salarié évoque son CPF, amorcez un dialogue tripartite employeur/OF/individu. Envisagez la dotation employeur non comme une contrainte mais comme un accélérateur : fixez une réunion de cadrage dès le premier contact, clarifiez le financement, et anticipez la date d’expiration fixée par les nouvelles CGU. Ça évite les quiproquos… et les fonds perdus.
Musclez la veille collective : installez un rituel (15 min chaque lundi, Slack/Notion partagé, newsletter interne ciblée) qui fasse circuler alertes réglementaires et bonnes pratiques repérées chez vos pairs. Plus vous mutualisez, plus vous gagnez en réactivité. Chez certains, ce simple rituel a permis d’éviter quelques non-conformités qualité lors de leur dernier audit. À méditer.
Osez la pédagogie narrative et le learning by doing : demandez à vos formateurs de rythmer chaque session par un récit métier ou une situation réelle du terrain, puis d’embarquer les stagiaires dans l’expérimentation active (même court-circuiter un module PowerPoint figé peut déclencher la prise de conscience). Ajoutez du feedback structuré: selon Didask, une séquence de “faire-analyser-capitaliser” augmente l'engagement durable de 40 %.
Surveillez vos preuves d’accompagnement, surtout à distance : chaque ajustement, chaque guidance vers l’apprenant doit être documenté (chat, quiz, bilan individuel...). L’auditeur ne se contente plus d’écouter vos belles histoires – il exige la traçabilité, sinon c’est carton rouge, même si l’accompagnement était réel. Un conseil : formalisez vos preuves au fil de l’eau, pas la veille de l’audit.
Passez à l’action
Vous l’aurez senti : la formation pro n’est plus une histoire d’individualistes forcenés ou de plans « prêt-à-catalogue » bouclés sur une feuille Excel. Le décret CPF rebat complètement les cartes, l’audit Qualiopi se muscle, l’IA et les pédagogies narratives brouillent les anciens repères… mais ouvrent la voie à bien plus de créativité, de fiabilité et, disons-le, d’efficacité qu’avant. Ce contexte, on ne le traverse pas indemne en solo, ni avec des recettes toutes faites.
Chez Humanissue, on n’est pas du genre à recycler le PowerPoint de l’an passé. Ce qui nous anime au quotidien : concevoir des parcours vraiment vivants — du feedback, de la veille consolidée, du learning by doing, des dispositifs d’inclusion qui ne relèvent pas de la cosmétique. Notre recette ? Mutualiser la veille sectorielle, challenger vos pratiques avec des exemples concrets glanés sur le terrain, et co-construire des solutions qui collent vraiment à vos enjeux, pas au buzzword du moment.
Besoin de remettre à plat votre plan de formation ?
Prêt à injecter une dose de feedback et de collectif dans vos pratiques ?
Bref, c’est le moment de passer de la veille passive à l’action réaliste. Curieux de voir comment tout cela se traduit concrètement ? Explorez nos offres de formation sur humanissue.fr/formations, ou demandez votre devis sur-mesure. Discutons-en : vous ne repartirez pas avec une solution générique. Promis, ici, la formation ne ronronne pas.
Rédaction: Sébastien GENTY

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